L’action de l’État outre-mer : pour un choc régalien
La délégation sénatoriale aux outre-mer a adopté son rapport le 23 janvier 2025.
Les rapporteurs Philippe BAS et Victorin Lurel dressent le constat d’une insécurité alarmante et multiforme, qui n’épargne ni les départements et régions d’outre-mer, ni les collectivités d’outre-mer.
Depuis 2016, en moyenne annuelle, les crimes et délits progressent fortement : homicides : +5% par an, coups et blessures volontaires : +6% par an, violences intrafamiliales et violences sexuelles : +14% par an… Les narcotrafics submergent les antilles et la Guyane. A Mayotte, l’immigration clandestine entrave la quasi-totalité des politiques publiques. 48% de la population scolaire est en situation irrégulière.
Le niveau de violence ne cesse de croître : en zone gendarmerie, les outre-mer pour 4% de la population représentent 25% des atteintes aux personnes, 30% des homicides, 50% des vols à main armée et 50% des agressions contre les gendarmes…
Les crises outre-mer se multiplient, affaiblissant l’État dans ses missions fondamentales – sécurité, justice, protection des frontières – qui fondent en grande partie sa légitimité. Le lien de confiance avec la population ultramarine est abîmé.
Face à des menaces de plus en plus exogènes – narcotrafics, immigration massive, orpaillage illégal, pêche illicite, ingérences -, l’Etat est contesté et doit réagir en État souverain. Une réponse strictement judiciaire et administrative ne suffira pas à changer la donne.
Pour y faire face, le rapport formule 38 recommandations dans un contexte budgétaire contraint et prône un « choc régalien ». Ce changement de stratégie nécessite de :
- Prioriser la coopération régionale policière et judiciaire et une diplomatie française des outre-mer
- Durcir l’emploi des forces, notamment contre l’orpaillage illégal en Guyane
- Restaurer de la crédibilité de toutes nos frontières maritimes et terrestres, notamment avec un plan de modernisation à 5 ans des moyens de surveillance et de contrôle, ainsi que la création d’une « force aux frontières ».
Conférence de presse du 23/01/2025
Adoption du rapport « Adaptation des moyens d’action de l’État dans les outre-mer »
Intervenants
Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer
- Micheline Jacques
Sénateur de Saint-Barthélemy
Rapporteurs
- Philippe Bas
Sénateur de la Manche - Victorin Lurel
Sénateur de la Guadeloupe
Partout outre-mer, un « choc régalien » de l’État est urgent.
Partout outre-mer, un « choc régalien » de l’État est urgent.
Au terme d’une année de mission, les rapporteurs Philippe Bas et Victorin Lurel, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer présidée par Micheline Jacques, dressent le constat d’une insécurité alarmante et multiforme dans la quasi-totalité des départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte). Depuis 2016, en moyenne annuelle, les crimes et délits progressent : homicides : +5 % par an, coups et blessures volontaires : +6 % par an, violences intrafamiliales et violences sexuelles : +14 % par an, narcotrafics (50 % de la cocaïne saisie en France l’est dans les Antilles-Guyane), immigration parfois massive (la moitié de la population à Mayotte, un tiers en Guyane), frontières perméables, ingérences diverses…
Pire, cette dégradation s’accélère pour certains crimes et délits : en 2023, par rapport à 2022, +14 % d’homicides, + 37 % d’usages de stupéfiants…
Les collectivités d’outre-mer (Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna) ne sont pas épargnées, bien au contraire. En 2023, en Polynésie française : coups et blessures volontaires +16 %, violences intrafamiliales +11 %, usage de stupéfiants +4,5 %…
Le niveau de la violence ne cesse de croître : en zone gendarmerie, les outre-mer pour 4 % de la population française représentent 25 % des atteintes aux personnes, 30 % des homicides, 50 % des vols à main armée et 50 % des agressions contre les gendarmes …
La multiplication des crises outre-mer ‑ Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Martinique ‑ nourrit le sentiment d’un État incapable d’inverser la dégradation, même lorsqu’il engage des moyens importants.
Affaibli sur ses missions fondamentales – sécurité, justice, protection des frontières ‑, l’État doit faire face à une crise de confiance inédite en outre-mer.
Pour contribuer à y remédier, le rapport formule 38 recommandations dans un contexte budgétaire contraint : densifier l’implantation territoriale des forces de sécurité, démultiplier la lutte contre les violences intrafamiliales, accélérer l’exécution du « Plan 15 000 » dans les prisons, adapter le code de procédure pénale, rehausser l’encadrement judiciaire avec plus d’enquêteurs et de magistrats spécialistes de la criminalité organisée, renforcer une police scientifique et technique de proximité, réussir le « rideau de fer » à Mayotte pour opposer des obstacles enfin efficaces à une immigration massive, consolider la centralité du préfet pour l’exercice des pouvoirs régaliens, y compris dans l’ordre diplomatique et pour la protection des frontières terrestres et maritimes…
Sur les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers, une étude d’impact sérieuse de la réforme adoptée en 2018 permettrait de justifier un réexamen de la durée exigée de résidence régulière et ininterrompue des deux parents avant la naissance.
En outre, pour obtenir des résultats pérennes face à des menaces de plus en plus exogènes, l’État doit réaffirmer sa souveraineté et user pleinement de ses prérogatives.
À défaut, l’État « arrosera le sable ». Ce changement de stratégie passe par :
- la priorité à la coopération régionale policière et judiciaire et à une diplomatie française des outre-mer ;
- un durcissement de l’emploi des forces, notamment contre l’orpaillage illégal en Guyane ;
- la restauration de la crédibilité de toutes nos frontières maritimes et terrestres, notamment avec un plan de modernisation à 5 ans et la création d’une force aux frontières, grâce à une coordination étroite de l’ensemble des forces de sécurité (gendarmerie, police, armée, douane) opérant sur chaque territoire.
CONTACT PRESSE
Direction de la communication – Philippe Péjo
Tél. : 01 42 34 35 98 – presse@senat.fr
COMPRENDRE LES ENJEUX
L’enjeu de l’adaptation et de la différenciation des normes outre-mer est fréquemment rappelé à l’occasion de l’examen de projets de loi ou de travaux de contrôle.
Ce leitmotiv porté par la délégation depuis plusieurs années a été encore rappelé en février 2023 dans le rapport sur l’évolution institutionnelle des outre-mer (n°361, 2022-2023. Ce rapport préconise, outre une révision des dispositions constitutionnelles relatives aux outre-mer, une « révolution des méthodes » de l’État à mettre en œuvre que la révision constitutionnelle ait lieu ou non.
Coordination gendarmerie-police territoriale à Saint-Barthélemy
Un statut d’officier de police judiciaire adjoint pour les policiers territoriaux de Saint-Barthélemy permettra de renforcer la coordination du travail avec la gendarmerie et mieux assurer la sécurité du territoire.
C’est la question que j’avais posée au Général Lionel Lavergne, commandant de la Gendarmerie d’outre-mer, lors de son audition dans le cadre des auditions de l’étude sur les modes d’action de l’État en outre-mer par la délégation aux outre-mer que j’ai l’honneur de présider, le jeudi 25 janvier 2024.
Mission d’information
ADAPTION DES MOYENS D’ACTION DE d’ÉTAT DANS LES OUTRE-MER
Les travaux de la Délégation sénatoriale aux outre-mer