En cas de violences intrafamiliales
Suspension automatique
de l’autorité parentale
Les associations accompagnant les familles de victimes de féminicide réclament avec force une suspension automatique de l’autorité parentale jusqu’au procès. Cette demande se justifie par les situations dramatiques que vivent les enfants orphelins à la suite de féminicides, qui sont restés sous l’autorité parentale du parent survivant, voire pire, sous la menace de l’exercice du droit de visite.
Intervention du 21 mars 2023
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales – Examen des amendements au texte de la commission
Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui aménage les conditions du retrait ou du maintien de l’autorité parentale et de son exercice en cas de violences intrafamiliales, est un texte attendu par de nombreuses associations.
Elle traduit le principe, enfin admis, selon lequel un parent violent ne saurait être un bon parent. Elle vise aussi à ce que les enfants bénéficient de la meilleure protection juridique possible. Cela suppose de trouver la bonne articulation entre cet impératif et le respect de l’autorité parentale et de la présomption d’innocence, ce qui n’est pas chose facile.
L’autorité parentale ne peut pas se résumer à un droit sur l’enfant, car elle constitue un ensemble de droits et de devoirs qui, en principe, garantissent une protection à l’enfant dans le cadre de son éducation.
D’emblée, je tiens à approuver la réécriture de l’intitulé du texte opéré par la commission, laquelle a fait disparaître le terme de « covictimes ». En effet, si l’on comprend l’intention de l’auteure de la proposition de loi, il n’en reste pas moins qu’un enfant qui vit des violences intrafamiliales est une victime directe de ces violences. Le terme « covictime » pouvait laisser entendre que l’enfant était une victime collatérale. Ce changement d’intitulé vaut surtout reconnaissance, pour l’enfant, du statut de victime de violences intrafamiliales.
Sur proposition de la rapporteure, Marie Mercier, la commission a simplifié ou complété les dispositifs initialement conçus.
Pour ce qui est des simplifications apportées, je salue l’approche pragmatique adoptée par la commission à l’article 1er, qui impose aux juridictions de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice. Cette réécriture assure la lisibilité du lien, désormais automatique, entre condamnation pour violences sur la personne de l’autre parent ou sur l’enfant et autorité parentale. Il s’agit d’une réelle avancée.
De même, le texte initial prévoyait fort opportunément d’étendre la mesure de suspension automatique de l’autorité parentale, prévue à l’article 378-2 du code civil, aux violences provoquant une ITT de plus de huit jours sur l’autre parent, ainsi qu’aux faits de viol ou aux agressions sexuelles incestueuses sur l’enfant.
La commission a limité cette suspension aux cas les plus graves, considérant que, pour les autres cas, l’objectif visé était déjà satisfait par le droit.
L’article 2, qui garantit l’individualisation des décisions des magistrats, pose le principe du retrait de l’autorité parentale avec, si je puis dire, une différenciation entre les obligations incombant aux magistrats en matière de prononcé de décision relative à l’autorité parentale ou son exercice.
La possibilité pour le juge de maintenir l’autorité parentale ou son exercice sur décision spécialement motivée devra, quant à elle, permettre de prendre en compte les cas, même marginaux, de crimes commis à la suite de violences subies par l’un des deux parents. Vous avez sans doute en tête, tout comme moi, la terrible histoire de Valérie Bacot.
Avec force, les associations œuvrant contre les violences faites aux femmes et, plus particulièrement, celles qui accompagnent les familles de victimes de féminicide, réclament une suspension automatique de l’autorité parentale jusqu’au procès.
Cette demande se justifie par les situations dramatiques que vivent les enfants orphelins à la suite de féminicides, qui sont restés sous l’autorité parentale du parent survivant, voire pire, sous la menace de l’exercice du droit de visite. Ces cas sont rarissimes, mais en la matière – vous en conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues –, un cas c’est déjà trop !
Si je ne doute pas une seconde de la rigueur du travail des magistrats et de leur souci de l’intérêt de l’enfant, j’ai été étonnée, à la faveur des témoignages, par l’existence de disparités territoriales en matière de coordination.
Comment garantir une articulation optimale entre l’ensemble des acteurs impliqués pour ce qui est des décisions de maintien ou de retrait de l’autorité parentale ? En matière de féminicide, le « protocole féminicide » me semble offrir un cadre adapté.
J’ai moi-même engagé un travail pour concevoir un statut propre à ces enfants orphelins, qui dépasse le simple cadre de ce texte. À ce titre, je vous adresserai prochainement, monsieur le ministre, les conclusions du colloque que j’ai coorganisé avec l’Union nationale des familles de féminicide (UNFF) en février dernier.
L’article 2 bis élargit et précise les cas de délégation de l’autorité parentale. Il facilitera le quotidien des enfants recueillis et des familles les accueillant. Il existe en effet, hélas, des situations dans lesquelles l’autorité parentale peut devenir une arme entre les mains du parent.
Les féminicides sont des drames que l’on n’anticipe pas. Les enfants sont souvent placés dans de telles situations que chaque obstacle administratif ou juridique paraît insurmontable aux familles.
Cet article 2 bis apporte une solution à l’une des conséquences pratiques des violences intrafamiliales. Il en va de même pour la mesure de stabilisation prévue à l’article 2 ter, qui est prise dans l’intérêt de l’enfant.
Vous l’aurez compris, ce texte me semble contribuer à la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales. On ne peut que se féliciter de son enrichissement tout au long de son examen.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)
Comprendre les enjeux
Le texte, dans sa version transmise par l’Assemblée nationale, vise à :
- élargir le mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale dans le cadre des procédures pénales ;
- rendre plus systématique le retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales en cas de condamnation pour crime commis sur son enfant ou sur l’autre parent, ou en cas d’agression sexuelle incestueuse sur son enfant.
La loi en clair
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliale
DOSSIER LÉGISLATIF